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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/183

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de suivre au plus près que nous pouvons ses désirs ? Or, le désir de Dieu est que nous soyons parfaits, nous unissant à lui et l’imitant au plus près que nous pouvons. Le superbe qui se fie en soi-même a bien occasion[1] de n’oser rien entreprendre ; mais l’humble est d’autant plus courageux qu’il se reconnaît plus impuissant : et à mesure qu’il s’estime chétif il devient plus hardi parce qu’il a toute sa confiance en Dieu, qui se plaît à magnifier sa toute-puissance en notre infirmité, et élever sa miséricorde sur notre misère. Il faut donc humblement et saintement oser tout ce qui est jugé propre à notre avancement par ceux qui conduisent nos âmes.

Penser savoir ce qu’on ne sait pas, c’est une sottise expresse ; vouloir faire le savant de ce qu’on connaît bien que l’on ne sait pas, c’est une vanité insupportable : pour moi, je ne voudrais pas même faire le savant de ce que je saurais, comme au contraire je n’en voudrais non plus faire l’ignorant. Quand la charité le requiert, il faut communiquer rondement et doucement avec le prochain, non seulement ce qui lui est nécessaire pour son instruction, mais aussi ce qui lui est utile pour sa consolation ; car l’humilité qui cache et couvre les vertus pour les conserver, les fait néanmoins paraître quand la charité le commande, pour les accroître, agrandir et perfectionner, en quoi elle ressemble à cet arbre des îles de Tylos, lequel la nuit resserre et tient closes ses belles fleurs incarnates et ne les ouvre qu’au soleil levant, de sorte que les habitants du pays disent que ces fleurs dorment de nuit. Car ainsi l’humilité couvre et cache toutes nos ver-

  1. occasion = motif, raison.