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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/203

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souci et empressement. Les anges ont soin pour notre salut et le procurent avec diligence, mais ils n’en ont point pour cela de sollicitude, souci, ni d’empressement ; car le soin et la diligence appartiennent à leur charité, mais aussi la sollicitude, le souci et l’empressement seraient totalement contraires à leur félicité, puisque le soin et la diligence peuvent être accompagnés de la tranquillité et paix d’esprit, mais non pas la sollicitude ni le souci, et beaucoup moins l’empressement. Soyez donc soigneuse et diligente en toutes les affaires que vous aurez en charge, ma Philothée, car Dieu vous les ayant confiées veut que vous en ayez un grand soin ; mais, s’il est possible, n’en soyez pas en sollicitude et souci, c’est-à-dire, ne les entreprenez pas avec inquiétude, anxiété et ardeur. Ne vous empressez point à la besogne : car toute sorte d’empressement trouble la raison et le jugement, et nous empêche même de bien faire la chose à laquelle nous nous empressons.

Quand Notre Seigneur reprend sainte Marthe, il dit : « Marthe, Marthe, tu es en souci et tu te troubles pour beaucoup de choses ». Voyez-vous, si elle eût été simplement soigneuse, elle ne se fût point troublée ; mais parce qu’elle était en souci et inquiétude, elle s’empresse et se trouble, et c’est en quoi Notre Seigneur la reprend. Les fleuves qui vont doucement coulant en la plaine portent les grands bateaux et riches marchandises, et les pluies qui tombent doucement en la campagne la fécondent d’herbes et de graines ; mais les torrents et rivières qui à grands flots courent sur la terre, ruinent leurs voisinages et sont inutiles au trafic, comme les pluies véhémentes et tempétueuses ravagent les champs et les prairies.