Aller au contenu

Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caressée, estimée, secourue et assistée, elle tient de la richesse, elle n’est pour le moins pas du tout pauvre ; mais une pauvreté méprisée, rejetée, reprochée et abandonnée, elle est vraiment pauvre. Or, telle est pour l’ordinaire la pauvreté des séculiers ; car parce qu’ils ne sont pas pauvres par leur élection, mais par nécessité, on n’en tient pas grand compte ; et en ce qu’on n’en tient pas grand compte, leur pauvreté est plus pauvre que celle des religieux, bien que celle-ci d’ailleurs ait une excellence fort grande et trop plus recommandable, à raison du vœu et de l’intention pour laquelle elle a été choisie.

Ne vous plaignez donc pas, ma chère Philothée, de votre pauvreté ; car on ne se plaint que de ce qui déplaît, et si la pauvreté vous déplaît vous n’êtes plus pauvre d’esprit, ains riche d’affection.

Ne vous désolez point de n’être pas si bien secourue qu’il serait requis ; car en cela consiste l’excellence de la pauvreté. Vouloir être pauvre et n’en recevoir point d’incommodité, c’est une grande ambition ; car c’est vouloir l’honneur de la pauvreté et la commodité des richesses.

N’ayez point de honte d’être pauvre ni de demander l’aumône en charité ; recevez celle qui vous sera donnée, avec humilité, et acceptez le refus avec douceur. Ressouvenez-vous souvent du voyage que Notre Dame fit en Égypte pour y porter son cher enfant, et combien de mépris, de pauvreté, de misère il lui convint supporter, Si vous vivez comme cela, vous serez très riche en votre pauvreté.