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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/233

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lâchés à la dérobée pour le commencement, mais bientôt on s’apprivoisera et passera-t-on à la cajolerie manifeste. Garde bien, o ma langue parleuse, de dire ce qui arrivera par après ; si dirai-je néanmoins encore cette vérité : rien de tout ce que les jeunes gens et les femmes disent ou font ensemble en ces folles complaisances n’est exempt de grands aiguillons. Tous les fatras d’amourettes se tiennent l’un à l’autre et s’entresuivent tous, ni plus ni moins qu’un fer tiré par l’aimant en tire plusieurs autres consécutivement ».

Oh ! qu’il dit bien, ce grand évêque : Que pensez-vous faire ? Donner de l’amour, non pas ?[1] Mais personne n’en donne volontairement qui n’en prenne nécessairement ; qui prend est pris en ce jeu. L’herbe aproxis reçoit et conçoit le feu aussitôt qu’elle le voit : nos cœurs en sont de même ; soudain qu’ils voient une âme enflammée d’amour pour eux, ils sont incontinent embrasés pour elle. J’en veux bien prendre, me dira quelqu’un, mais non pas fort avant. Hélas ! vous vous trompez, ce feu d’amour est plus actif et pénétrant qu’il ne vous semble ; vous cuiderez n’en recevoir qu’une étincelle, et vous serez tout étonné de voir qu’en un moment il aura saisi tout votre cœur, réduit en cendre toutes vos résolutions et en fumée votre réputation. Le Sage s’écrie : « Qui aura compassion d’un enchanteur piqué par le serpent ? » Et je m’écrie après lui : « O fols et insensés, cuidez-vous charmer l’amour pour le pouvoir manier à votre gré ? Vous voulez jouer avec lui, il vous piquera

  1. N’est-ce pas.