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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/238

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thée et sainte Thècle. Saint Grégoire Nazianzène se vante cent fois de l’amitié nonpareille qu’il eut avec le grand saint Basile, et la décrit en cette sorte : « Il semblait qu’en l’un et l’autre de nous, il n’y eût qu’une seule âme portant deux corps. Que s’il ne faut pas croire ceux qui disent que toutes choses sont en toutes choses, si nous faut-il pourtant ajouter foi que nous étions tous deux en l’un de nous, et l’un en l’autre ; une seule prétention avions-nous tous deux, de cultiver la vertu et accommoder les desseins de notre vie aux espérances futures, sortant ainsi hors de la terre mortelle avant que d’y mourir ». Saint Augustin témoigne que saint Ambroise aimait uniquement sainte Monique, pour les rares vertus qu’il voyait en elle, et qu’elle réciproquement le chérissait comme un ange de Dieu.

Mais j’ai tort de vous amuser en chose si claire. Saint Jérôme, saint Augustin, saint Grégoire, saint Bernard et tous les plus grands serviteurs de Dieu ont eu de très particulières amitiés, sans intérêt de leur perfection. Saint Paul reprochant le détraquement des Gentils, les accuse d’avoir été gens sans affection, c’est-à-dire qui n’avaient aucune amitié. Et saint Thomas, comme tous les bons philosophes, confesse que l’amitié est une vertu : or, il parle de l’amitié particulière, puisque, comme il dit, la parfaite amitié ne peut s’étendre à beaucoup de personnes, La perfection donc ne consiste pas à n’avoir point d’amitié, mais à n’en avoir que de bonne, de sainte et sacrée.