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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/246

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l’heure il ne s’aperçoive pas de son bonheur, il le reconnaîtra bientôt après, et avec vous chantera pour action de grâce : « O Seigneur, vous avez rompu mes liens, je vous sacrifierai l’hostie de louange et invoquerai votre saint Nom ».


CHAPITRE XXII

QUELQUES AUTRES AVIS SUR LE SUJET DES AMITIÉS


L’amitié requiert une grande communication entre les amants, autrement elle ne peut ni naître ni subsister. C’est pourquoi il arrive souvent qu’avec la communication de l’amitié, plusieurs autres communications passent et se glissent insensiblement de cœur en cœur, par une mutuelle infusion et réciproque écoulement d’affections, d’inclinations et d’impressions. Mais surtout, cela arrive quand nous estimons grandement celui que nous aimons ; car alors nous ouvrons tellement le cœur à son amitié, qu’avec icelle ses inclinations et impressions entrent aisément tout entières, soit qu’elles soient bonnes ou qu’elles soient mauvaises. Certes, les abeilles qui amassent le miel d’Héraclée ne cherchent que le miel, mais avec le miel, elles sucent insensiblement les qualités vénéneuses de l’aconit sur lequel elles font leur cueillette. Or donc, Philothée, il faut bien pratiquer en ce sujet la parole que le Sauveur de nos âmes soulait dire, ainsi que les Anciens nous ont appris : « Soyez bons changeurs et monnayeurs » c’est-à-dire, ne recevez pas la fausse monnaie avec la bonne, ni le bas or avec le