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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/294

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beaucoup nuire. Ce que je m’en vais vous dire, sont-ce pas iniquités et déraisons ?

Nous accusons pour peu le prochain, et nous nous excusons en beaucoup ; nous voulons vendre fort cher et acheter à bon marché ; nous voulons que l’on fasse justice en la maison d’autrui, et chez nous, miséricorde et connivence ; nous voulons que l’on prenne en bonne part nos paroles, et sommes chatouilleux et douillets à celles d’autrui. Nous voudrions que le prochain nous lâchât son bien en le payant, n’est-il pas plus juste qu’il le garde en nous laissant notre argent ? nous lui savons mauvais gré de quoi il ne nous veut pas accommoder ; n’a-t-il pas plus de raison d’être fâché de quoi nous le voulons incommoder ? Si nous affectionnons un exercice, nous méprisons tout le reste, et contrerolons tout ce qui ne vient pas à notre goût. S’il y a quelqu’un de nos inférieurs qui n’ait pas bonne grâce, ou sur lequel nous ayons une fois mis la dent, quoi qu’il fasse, nous le recevons à mal, nous ne cessons de le contrister et toujours nous sommes à le calanger ; au contraire, si quelqu’un nous est agréable d’une grâce sensuelle, il ne fait rien que nous n’excusions. Il y a des enfants vertueux, que leurs pères et mères ne peuvent presque voir, pour quelque imperfection corporelle ; il y en a des vicieux qui sont les favoris, pour quelque grâce corporelle.

En tout nous préférons les riches aux pauvres, quoi qu’ils ne soient ni de meilleure condition, ni si vertueux nous préférons même les mieux vêtus. Nous voulons nos droits exactement[1], et que les autres soient cour-

  1. Avec une exactitude rigoureuse.