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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/298

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Ne désirez pas les croix, sinon à mesure que vous aurez bien supporté celles qui se seront présentées ; car c’est un abus de désirer le martyre et n’avoir pas le courage de supporter une injure. L’ennemi nous procure souvent des grands désirs, pour des objets absents et qui ne se présenteront jamais, afin de divertir notre esprit des objets présents èsquels, pour petits qu’ils soient, nous pourrions faire grand profit. Nous combattons les monstres d’Afrique en imagination, et nous nous laissons tuer en effet aux menus serpents qui sont en notre chemin, à faute d’attention. Ne désirez point les tentations, car ce serait témérité ; mais employez votre cœur à les attendre courageusement, et à vous en défendre quand elle arriveront.

La variété des viandes (si principalement la quantité en est grande) charge toujours l’estomac, et s’il est faible, elle le ruine : ne remplissez pas votre âme de beaucoup de désirs, ni mondains : car ceux-là vous gâteraient du tout, ni même spirituels : car ils vous embarrasseraient. Quand notre âme est purgée, se sentant déchargée de mauvaises humeurs, elle a un appétit fort grand des choses spirituelles ; et, comme tout affamée, elle se met à désirer mille sortes d’exercices de piété, de mortification, de pénitence, d’humilité, de charité, d’oraison. C’est bon signe, ma Philothée, d’avoir ainsi bon appétit ; mais regardez si vous pourrez bien digérer tout ce que vous voulez manger. Choisissez donc, par l’avis de votre père spirituel, entre tant de désirs, ceux qui peuvent être pratiqués et exécutés maintenant ; ceux-là, faites-les bien valoir : cela fait, Dieu vous en enverra d’autres, lesquels aussi en leurs saisons vous pratique-