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tombant sur un cœur vicieux et ne le pénétrant point, lui sont tout à fait inutiles : car pour tout cela, les pauvres gens ne quitteraient pas un seul liard du bien mal acquis qu’ils possèdent, ne renonceraient pas une seule de leurs perverses affections, et ne voudraient pas avoir pris la moindre incommodité du monde, pour le service du Sauveur sur lequel ils ont pleuré ; en sorte que les bons mouvements qu’ils ont eus, ne sont que des certains champignons spirituels, qui non seulement ne sont pas la vraie dévotion, mais bien souvent sont des grandes ruses de l’ennemi, qui, amusant les âmes à ces menues consolations, les fait demeurer contentes et satisfaites en cela, à ce qu’elles ne cherchent plus la vraie et solide dévotion, qui consiste en une volonté constante, résolue, prompte et active d’exécuter ce que l’on sait être agréable à Dieu.

Un enfant pleurera tendrement, s’il voit donner un coup de lancette à sa mère qu’on saigne ; mais si à même temps sa mère, pour laquelle il pleurait, lui demande une pomme ou un cornet de dragée qu’il tient en sa main, il ne le voudra nullement lâcher. Telles sont la plupart de nos tendres dévotions : voyant donner un coup de lance qui transperce le cœur de Jésus-Christ crucifié, nous pleurons tendrement. Hélas ! Philothée, c’est bien fait de pleurer sur cette mort et passion douloureuse de notre Père et Rédempteur ; mais pourquoi donc ne lui donnons-nous tout de bon la pomme que nous avons en nos mains et qu’il nous demande si instamment, à savoir notre cœur, unique pomme d’amour que ce cher Sauveur requiert de nous ? Que ne lui résignons-nous tant de menues affections, délectations,