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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/373

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proviennent de l’indisposition du corps, comme quand par l’excès des veilles, des travaux et des jeûnes on se trouve accablé de lassitude, d’assoupissements, de pesanteurs et d’autres telles infirmités, lesquelles bien qu’elles dépendent du corps ne laissent pas d’incommoder l’esprit, pour l’étroite liaison qui est entre eux. Or, en telles occasions, il faut toujours se ressouvenir de faire plusieurs actes de vertu, avec la pointe de notre esprit et volonté supérieure ; car encore que toute notre âme semble dormir et être accablée d’assoupissement et lassitude, si est-ce que les actions de notre esprit ne laissent pas d’être fort agréables à Dieu ; et pouvons dire en ce temps-là, comme l’Épouse sacrée : « Je dors, mais mon cœur veille » ; et comme j’ai dit ci-dessus, s’il y a moins de goût à travailler de la sorte, il y a pourtant plus de mérite et de vertu. Mais le remède en cette occurrence, c’est de revigorer le corps par quelque sorte de légitime allégement et récréation : ainsi saint François ordonnait à ses religieux qu’ils fussent tellement modérés en leurs travaux, qu’ils n’accablassent pas la ferveur de l’esprit.

Et à propos de ce glorieux Père, il fut une fois attaqué et agité d’une si profonde mélancolie d’esprit, qu’il ne pouvait s’empêcher de le témoigner en ses déportements ; car s’il voulait converser avec ses religieux, il ne pouvait ; s’il s’en séparait, il était pis ; l’abstinence et macération de la chair l’accablaient, et l’oraison ne l’allégeait nullement. Il fut deux ans en cette sorte, tellement qu’il semblait être du tout abandonné de Dieu ; mais enfin, après avoir humblement souffert cette rude tempête, le Sauveur lui redonna en un moment une heu-