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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/51

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est vraie, ains elle perfectionne tout, et lorsqu’elle se rend contraire à la légitime vacation de quelqu’un, elle est sans doute fausse[1]. L’abeille, dit Aristote, tire son miel des fleurs sans les intéresser, les laissant entières et fraîches comme elle les a trouvées ; mais la vraie dévotion fait encore mieux, car non seulement elle ne gâte nulle sorte de vocation ni d’affaires, ains au contraire elle les orne et embellit. Toutes sortes de pierreries jetées dedans le miel en deviennent plus éclatantes, chacune selon sa couleur, et chacun devient plus agréable en sa vocation la conjoignant à la dévotion : le soin de la famille en est rendu paisible, l’amour du mari et de la femme plus sincère, le service du prince plus fidèle, et toutes sortes d’occupations plus suaves et amiables.

C’est une erreur, ains une hérésie, de vouloir bannir la vie dévote de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la cour des princes, du ménage des gens mariés. Il est vrai, Philothée, que la dévotion purement contemplative, monastique et religieuse ne peut être exercée en ces vacations-là ; mais aussi, outre ces trois sortes de dévotion, il y en a plusieurs autres, propres à perfectionner ceux qui vivent ès états séculiers. Abraham, Isaac et Jacob, David, Job, Tobie, Sara, Rébecca et Judith en font foi pour l’ancien testament ; et quant au nouveau, saint Joseph, Lydia et saint Crépin furent parfaitement dévots en leurs boutiques ; sainte Anne, sainte Marthe, sainte Monique, Aquila, Priscilla, en leurs ménages ; Cornélius, saint Sébastien, saint Maurice, parmi les

  1. Sans doute : sans aucun doute.