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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/61

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en la confession, mais tôt après on le trouvera parmi ses amis qui prend plaisir à parler de sa querelle, disant que si ce n’eût été la crainte de Dieu, il eût fait ceci et cela, et que la loi divine en cet article de pardonner est difficile ; que plût à Dieu qu’il fût permis de se venger ! Ah, qui ne voit qu’encore que ce pauvre homme soit hors du péché, il est néanmoins tout embarrassé de l’affection du péché, et qu’étant hors d’Égypte en effet, il y est encore en appétit, désirant les aulx et les oignons qu’il y soûlait manger ! comme fait cette femme qui, ayant détesté ses mauvaises amours, se plaît néanmoins d’être muguetée et environnée. Hélas ! que telles gens sont en grand péril !

O Philothée, puisque vous voulez entreprendre la vie dévote, il ne vous faut pas seulement quitter le péché, mais il faut tout à fait émonder votre cœur de toutes les affections qui dépendent du péché ; car, outre le danger qu’il y aurait de faire rechute, ces misérables affections alanguiraient perpétuellement votre esprit, et l’appesantiraient en telle sorte qu’il ne pourrait pas faire les bonnes œuvres promptement, diligemment et fréquemment, en quoi gît néanmoins la vraie essence de la dévotion. Les âmes lesquelles sorties de l’état du péché ont encore ces affections et alanguissements, ressemblent à mon avis aux filles qui ont les pâles couleurs, lesquelles ne sont pas malades, mais toutes leurs actions sont malades : elles mangent sans goût, dorment sans repos, rient sans joie, et se traînent plutôt que de cheminer ; car de même, ces âmes font le bien avec des lassitudes spirituelles si grandes, qu’elles ôtent toute la grâce à leurs bons exercices, qui sont peu en nombre et petits en effet.