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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/196

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la simplicité du cœur ni de l’exactitude de la sincérité.

L’homme qui est véritablement humble, aimeroit mieux qu’un autre dit de lui qu’il est un misérable, qu’il n’est rien, qu’il ne vaut rien, que de le dire lui-même : du moins, s’il sait que l’on parle ainsi de lui, il le souffre de bon cœur, parce qu’étant persuadé de ce que l’on dit, il est bien-aise que le jugement des autres se trouve conforme au sien.

Plusieurs disent qu’ils laissent l’oraison mentale aux parfaits, et qu’ils ne sont pas dignes de la faire ; les autres protestent qu’ils n’osent pas communier souvent, parce qu’ils ne se sentent pas assez de pureté d’âme. Ceux-là publient qu’ils craindroient de faire tort à la dévotion, s’ils s’en mêloient, à cause de leur grande misère et de leur fragilité ; ceux-ci ne veulent point se servir de leurs talens pour la gloire de Dieu et pour le salut du prochain, parce que, connoissant bien, disent-ils, leur foiblesse, ils craignent que l’orgueil ne profite du bien dont ils seroient les instrumens, et qu’en éclairant les autres, ils ne se consument eux-mêmes. Tout cela n’est qu’un artifice, et une sorte d’humilité, non-seulement fausse, mais maligne ; car on s’en sert, ou pour mépriser finement et couvertement les choses de Dieu, ou bien pour cacher, sous un humble prétexte son amour-propre, son opiniâtreté, son humeur et sa paresse.