Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/242

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une prodigieuse fièvre qui se rend d’autant plus imperceptible, qu’elle devient plus violente et plus ardente. Moïse vit un buisson brûler du feu du ciel, sans en être consumé ; mais au contraire, le feu profane de l’avarice dévore et consume l’avare sans le brûler, du moins il n’en sent pas les ardeurs, et l’altération violente qu’elles lui causent, ne lui paroît qu’une soif fort douce et toute naturelle.

Si vous désirez ardemment, long-temps et avec inquiétude, les biens que vous n’avez pas, croyez que véritablement vous êtes avare, quoique vous disiez que vous ne voulez pas les avoir injustement ; en la même manière qu’un malade qui désire ardemment de boire, et le désire longtemps et avec inquiétude, fait bien voir qu’il a la fièvre, quoiqu’il ne veuille boire que de l’eau.

O Philothée ! je ne sais si c’est un désir bien juste que celui d’avoir par des voies justes, ce qu’un autre possède avec justice ; car il semble que nous voulions nous accommoder aux dépens de l’incommodité d’autrui. Celui qui possède un bien justement, n’a-t-il pas plus de raison de le garder justement, que nous n’en avons de désirer de l’avoir injustement ? Par quelle raison donc étendrons-nous nos désirs sur sa commodité pour l’en priver ? quand ce désir seroit juste, certainement il ne seroit pas charitable, et nous ne voudrions pas