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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/276

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est continuelle, on se fait bientôt confidence des secrets du cœur. Toutes les inclinations que l’on a de son fonds passent insensiblement de l’un à l’autre par une mutuelle impression d’un cœur sur l’autre, et par un réciproque écoulement de sentimens et d’affections.

Cela arrive principalement quand l’amitié est fondée sur une grande estime : car l’amitié ouvre le cœur, et l’estime y laisse entrer tout ce qui se présente, bon ou mauvais. Les abeilles ne cherchent que le miel sur les fleurs ; mais si elles sont vénéneuses, elles en prennent aussi tout le venin : image de l’amitié qui reçoit insensiblement le mal avec le bien. Il faut donc, Philothée, bien pratiquer cette parole que le Fils de Dieu disoit souvent, comme la tradition nous l’apprend : soyez de bons changeurs et de bons monnoyeurs, c’est-à-dire, ne recevez pas la mauvaise monnoie avec la bonne, ni le bon or avec le faux or ; séparez ce qui est précieux de tout ce qui est vil et méprisable. En effet, il n’y a presque personne qui n’ait quelque imperfection ; et quelle raison y a-t-il de recevoir les imperfections d’un ami avec son amitié ? Il faut l’aimer, quoiqu’il soit imparfait, mais il ne faut prendre ni aimer son imperfection ; puisque l’amitié étant une communication du bien et non pas du mal, l’on doit distinguer dans un ami ses bonnes qualités de ses imperfec-