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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/38

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mariée et pour une fille, ou pour une veuve : et il faut même accomoder toute la pratique de la dévotion à la santé, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier. En vérité, Philothée, seroit-ce une chose louable, qu’un Évêque fut solitaire comme un Chartreux ; que les personnes mariées ne pensassent pas davantage d’amasser du bien que des Capucins ; qu’un artisan fut assidu à l’office de l’Église, comme un Religieux l’est au chœur ; et qu’un Religieux fut autant exposé à tous les exercices de la charité envers le prochain, qu’un Évêque ? cette dévotion ne seroit-elle pas ridicule, déréglée et insupportable ? Cependant, c’est ce que l’on voit souvent ; et le monde qui ne sait pas faire, ou qui ne veut pas faire ce discernement entre la dévotion et l’indiscrétion des personnes qui la prennent de travers, la blâme avec beaucoup d’injustice.

Non, Philothée, la véritable dévotion ne gâte rien, et même elle perfectionne tout ; de sorte que si elle répugne aux devoirs légitimes de la vocation, elle n’est qu’une fausse vertu. L’abeille, dit Aristote, laisse les fleurs, dont elle tire son miel, aussi fraiches et aussi entières, qu’elle les a trouvées : mais la véritable dévotion fait encore mieux ; non-seulement elle ne blesse en rien les devoirs des différens états de la vie, elle leur donne même un nouveau mérite, et elle en fait le plus bel ornement.