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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/115

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DE L’IMITATION DE L’ESPRIT FRANÇAIS

qualités et des sentiments dont ils sont doués, que la perte du fond ne les rendroit pas plus légers dans les formes, et qu’ils seroient plutôt des Allemands sans mérite que des Français aimables.

Il ne faut pas en conclure pour cela que la grâce leur soit interdite ; l’imagination et la sensibilité leur en donnent, quand ils se livrent à leurs dispositions naturelles. Leur gaieté, et ils en ont, surtout en Autriche, n’a pas le moindre rapport avec la gaieté française : les farces tyroliennes, qui amusent à Vienne les grands seigneurs comme le peuple, ressemblent beaucoup plus à la bouffonnerie des Italiens qu’à la moquerie des Français. Elles consistent dans des scènes comiques fortement caractérisées, et qui représentent la nature humaine avec vérité, mais non la société avec finesse. Toutefois cette gaieté, telle qu’elle est, vaut encore mieux que l’imitation d’une grâce étrangère : on peut très-bien se passer de cette grâce, mais en ce genre la perfection seule est quelque chose. « L’ascendant des manières des Français a préparé peut-être les étrangers à les croire invincibles. Il n’y a qu’un moyen de résister à cet ascendant : ce sont des habitudes et