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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/130

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DE L’ALLEMAGNE

ce qu’il faut dire, et même de ce qu’il faut taire, quand un grand intérêt l’emporte sur leur vivacité naturelle : de tout temps ils ont eu le talent de vivre vite, d’abréger les longs discours, de faire place aux successeurs avides de parler à leur tour : de tout temps enfin ils ont su ne prendre du sentiment et de la pensée que ce qu’il en faut pour animer l’entretien sans lasser le frivole intérêt qu’on a d’ordinaire les uns pour les autres.

Les Français parlent toujours légèrement de leurs malheurs, dans la crainte d’ennuyer leurs amis ; ils devinent la fatigue qu’ils pourroient causer par celle dont ils seroient susceptibles : ils se hâtent de montrer élégamment de l’insouciance pour leur propre sort, afin d’en avoir l’honneur au lieu d’en recevoir l’exemple. Le désir de paroitre aimable conseille de prendre une expression de gaieté, quelle que soit la disposition intérieure de l’âme ; la physionomie influe par degrés sur ce qu’on éprouve, et ce qu’on fait pour plaire aux autres émousse bientôt en soi-même ce qu’on ressent.

« Une femme d’esprit a dit que Paris étoit le lieu du monde où l’on pouvait le mieux se