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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/148

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DE L’ALLEMAGNE

Quoique le sens des périodes allemandes ne s’explique souvent qu’à la fin, la construction ne permet pas toujours de terminer une phrase par l’expression la plus piquante ; et c’est cependant un des grands moyens de faire effet en conversation. L’on entend rarement parmi les Allemands ce qu’on appelle des bons mots : ce sont les pensées mêmes et non l’éclat qu’on leur donne qu’il faut admirer.

Les Allemands trouvent une sorte de charlatanisme dans l’expression brillante, et prennent plutôt l’expression abstraite, parce qu’elle est plus scrupuleuse et s’approche davantage de l’essence même du vrai ; mais la conversation ne doit donner aucune peine ni pour comprendre ni pour parler. Dès que l’entretien ne porte pas sur les intérêts communs de la vie, et qu’on entre dans la sphère des idées, la conversation en Allemagne devient trop métaphysique ; il n’y a pas assez d’intermédiaire entre ce qui est vulgaire et ce qui est sublime ; et c’est cependant dans cet intermédiaire que s’exerce l’art de causer.

La langue allemande a une gaieté qui lui est propre, la société ne l’a point rendue timide, et les bonnes mœurs l’ont laissée pure ; mais c’est une gaieté nationale à la portée de toutes les