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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/153

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DE L’ALLEMAGNE DU NORD

bac une vieille femme allemande, assise sur une charrette ; elle ne vouloit pas même en descendre pour traverser le fleuve. — Vous êtes bien tranquille ! lui dis-je. — Oui, me répondit-elle, pourquoi faire du bruit ? — Ces simples mots me frappèrent ; en éffet, pourquoi faire du bruit ? Mais quand des générations entières traverseroient la vie en silence, le malheur et la mort ne les observeroient pas moins, et sauroient de même les atteindre.

En arrivant sur le rivage opposé, j’entendis le cor des postillons dont les sons aigus et faux sembloient annoncer un triste départ vers un triste séjour. La terre étoit couverte de neige ; les maisons, percées de petites fenêtres d’où sortoient les têtes de quelques habitants que le bruit d’une voiture arrachoit à leurs monotones occupations ; une espèce de bascule, qui fait mouvoir la poutre avec laquelle on ferme la barrière, dispense celui qui demande le péage aux voyageurs de sortir de sa maison pour recevoir l’argent qu’on doit lui payer. Tout est calculé pour être immobile, et l’homme qui pense, comme celui dont l’existence n’est que matérielle, dédaignent tous les deux également la distraction du dehors.

Les campagnes désertes, les maisons noircies