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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/192

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DE L’ALLEMAGNE

aux vérités probables, les seules qui servent de guide dans les affaires, comme dans les arts, comme dans la société. Il y a sans doute un point où les mathématiques elles-mêmes exigent cette puissance lumineuse de l’invention sans laquelle on ne peut pénétrer dans les secrets de la nature : au sommet de la pensée l’imagination d’Homère et celle de Newton semblent se réunir, mais combien d’enfants sans génie pour les mathématiques ne consacrent-ils pas tout leur temps à cette science ! On n’exerce chez eux qu’une seule faculté, tandis qu’il faut développer tout l’être moral dans une époque où l’on peut si facilement déranger l’âme comme le corps, en ne fortifiant qu’une partie.

Rien n’est moins applicable à la vie qu’un raisonnement mathématique. Une proposition en fait de chiffres est décidément fausse ou vraie ; sous tous les autres rapports le vrai se mêle avec le faux d’une telle manière, que souvent l’instinct peut seul nous décider entre les motifs divers, quelquefois aussi puissants d’un côté que de l’autre. L’étude des mathématiques, habituant à la certitude, irrite contre toutes les opinions opposées à la nôtre ; tandis que ce qu’il y a de plus important pour la conduite de ce monde, c’est