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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/199

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DES INSTITUTIIONS D’ÉDUCATION

toient sans comprendre, ils travailloient sans s’instruire, et ne recueilloient souvent de l’éducation que l’habitude de faire leur tâche sans la concevoir, et d’esquiver le pouvoir du maître par la ruse de l’écolier. Tout ce que Rousseau a dit contre cette éducation routinière est parfaitement vrai ; mais, comme il arrive souvent, ce qu’il propose comme remède est encore plus mauvais que le mal.

Un enfant qui, d’après le système de Rousseau, n’auroit rien appris jusqu’à l’âge de douze ans, auroit perdu six années précieuses de sa vie ; ses organes intellectuels n’acquerroient jamais la flexibilité que l’exercice dès la première enfance pouvoit seul leur donner. Les habitudes d’oisiveté seroient tellement enracinées en lui, qu’on le rendroit bien plus malheureux en lui parlant de travail, pour la première fois, à l’âge de douze ans, qu’en l’accoutumant depuis qu’il existe à le regarder comme une condition nécessaire de la vie. D’ailleurs l’espèce de soin que Rousseau exige de l’instituteur pour suppléer à l’instruction, et pour la faire arriver par la nécessité, obligeroit chaque homme à consacrer sa vie entière à l’éducation d’un autre, et les grands-pères seuls se trouveroient libres de commencer une carrière.