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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/273

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GOETHE

ment en peintre : il attache plus de prix maintenant aux tableaux qu’il nous présente qu’aux émotions qu’il éprouve ; le temps l’a rendu spectateur. Quand il avoit encore une part active dans les scènes des passions, quand il souffroit lui-même par le cœur, ses écrits produisoient une impression plus vive.

Comme on se fait toujours la poétique de son talent, Goethe soutient à présent qu’il faut que l’auteur soit calme, alors même qu’il compose un ouvrage passionné, et que l’artiste doit conserver son sang-froid pour agir plus fortement sur l’imagination de ses lecteurs : peut-être n’auroit-il pas eu cette opinion dans sa première jeunesse ; peut-être alors étoit-il possédé par son génie, au lieu d’en être le maître ; peut-être sentoit-il alors que le sublime et le divin étant momentanés dans le cœur de l’homme, le poëte est inférieur à l’inspiration qui l’anime, et ne peut la juger sans la perdre.

Au premier moment on s’étonne de trouver de la froideur et même quelque chose de roide à l’auteur de Werther ; mais quand on obtient de lui qu’il se mette à l’aise, le mouvement de son imagination fait disparoître en entier la gêne qu’on a d’abord sentie : c’est un homme dont l’esprit est