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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/279

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SCHILLER

gloire il y a encore un sentiment plus pur, l’amour de la vérité, qui fait des hommes de lettres comme les prêtres guerriers, d’une noble cause ; ce sont eux qui désormais doivent garder le feu sacré : car de foibles femmes ne suffiroient plus comme jadis pour le défendre.

C’est une belle chose que l’innocence, dans le génie, et la candeur dans la force. Ce qui nuit à l’idée qu’on se fait de la bonté, c’est qu’on la croit de la foiblesse ; mais quand elle est unie au plus haut degré de lumières et d’énergie, elle nous fait comprendre comment la Bible a pu nous dire que Dieu fit l’homme à son image : Schiller s’étoit fait tort à son entrée dans le monde par des égarements d’imagination ; mais avec la force de l’âge il reprit cette pureté sublime qui naît des hautes pensées. Jamais il n’entroit en négociation avec les mauvais sentiments. Il vivoit, il parloit, il agissoit comme si les méchants n’existoient pas ; et quand il les peignoit dans ses ouvrages, c’étoit avec plus d’exagération et moins de profondeur que s’il les avoit vraiment connus. Les méchants s’offroient à son imagination comme un obstacle, comme un fléau physique, et peut-être en effet qu’à beaucoup d’égards ils n’ont pas