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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/288

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

ment naturel des différentes pensées entre elles, on finiroit par vouloir les mettre toutes dans une même phrase. L’esprit humain a besoin de morceler pour comprendre ; et l’on risque de prendre des lueurs pour des vérités quand les formes mêmes du langage sont obscures.

L’art de traduire est poussé plus loin en allemand que dans aucun autre dialecte européen. Voss a transporté dans sa langue les poëtes grecs et latins avec une étonnante exactitude, et W. Schlegel les poëtes anglais, italiens et espagnols, avec une vérité de coloris dont il n’y avoit point d’exemple avant lui. Lorsque l’allemand se prête à la traduction de l’anglais, il ne perd pas son caractère naturel, puisque ces langues sont toutes deux d’origine germanique ; mais quelque mérite qu’il y ait dans la traduction d’Homère par Voss, elle fait de l’Iliade et de l’Odyssée des poëmes dont le style est grec bien que les mots soient allemands. La connoissance de l’antiquité y gagne ; l’originalité propre à l’idiome de chaque nation y perd nécessairement. Il semble que c’est une contradiction d’accuser la langue allemande tout à la fois de trop de flexibilité et de trop de rudesse ; mais ce qui se concilie dans les caractères peut aussi se concilier dans les langues ; et souvent