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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/290

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

longueur des syllabes : l’accent donne de l’unité aux phrases comme aux mots, il a du rapport avec la signification de ce qu’on dit ; l’on insiste sur ce qui doit déterminer le sens ; et la prononciation, en faisant ressortir telle ou telle parole, rapporte tout à l’idée principale. Il n’en est pas ainsi de la durée musicale des sons dans le langage ; elle est bien plus favorable à la poésie que l’accent, parce qu’elle n’a point d’objet positif et qu’elle donne seulement un plaisir noble et vague comme toutes les jouissances sans but. Chez les anciens, les syllabes étoient scandées d’après la nature des voyelles et les rapports des sons entre eux, l’harmonie seule en décidoit : en allemand tous les mots accessoires sont brefs, et c’est la dignité grammaticale, c’est-à-dire l’importance de la syllabe radicale qui détermine sa quantité ; il y a moins de charme dans cette espèce de prosodie que dans celle des anciens, parce qu’elle tient plus aux combinaisons abstraites qu’aux sensations involontaires ; néanmoins c’est toujours un grand avantage pour une langue d’avoir dans sa prosodie de quoi suppléer à la rime.

C’est une découverte moderne que la rime, elle tient à tout l’ensemble de nos beaux-arts, et ce seroit s’interdire de grands effets que d’y