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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/307

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DE LA POÉSIE CLASSIQUE

époque avec la nature, et croyoient dépendre du destin comme elle dépend de la nécessité. L’homme, réfléchissant peu, portoit toujours l’action de son âme au dehors ; la conscience elle-même étoit figurée par des objets extérieurs, et les flambeaux des Furies secouoient les remords sur la tête des coupables. L’événement étoit tout dans l’antiquité, le caractère tient plus de place dans les temps modernes ; et cette réflexion inquiète, qui nous dévore souvent comme le vautour de Prométhée, n’eût semblé que de la folie au milieu des rapports clairs et prononcés qui existoient dans l’état civil et social des anciens.

On ne faisoit en Grèce, dans le commencement de l’art, que des statues isolées ; les groupes ont été composés plus tard. On pourroit dire de même, avec vérité, que dans tous les arts il n’y avoit point de groupes ; les objets représentés se succédoient comme dans les bas-reliefs, sans combinaison, sans complication d’aucun genre. L’homme personnifioit la nature ; des nymphes habitoient les eaux, des hamadryades les forêts : mais la nature à son tour s’emparoit de l’homme, et l’on eût dit qu’il ressembloit au torrent, à la foudre, au volcan, tant il agissoit par une impul-