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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/347

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DE LA POÈSIE ALLEMANDE

les personnages qu’on met en scène ressemblent à des marionnettes qu’un même fil remue et qu’une même voix, celle de l’auteur, fait parler. Schiller mérite surtout d’être admiré comme poëte dramatique ; Goethe est tout seul au premier rang dans l’art de composer des élégies, des romances, des stances, etc., ses poésies détachées ont un mérite très-différent de celles de Voltaire. Le poète français a su mettre en vers l’esprit de la société la plus brillante ; le poëte allemand réveille dans l’âme par quelques traits rapides des impressions solitaires et profondes.

Goethe, dans ce genre d’ouvrages, est naturel au suprême degré ; non-seulement naturel quand il parle d’après ses propres impressions, mais aussi quand il se transporte dans des pays, des mœurs et des situations toutes nouvelles, sa poésie prend facilement la couleur des contrées étrangères : il saisit avec un talent unique ce qui plaît dans les chansons nationales de chaque peuple ; il devient, quand il le veut, un grec, un indien, un morlaque. Nous avons souvent parlé de ce qui caractérise les poètes du nord, la mélancolie et la méditation : Goethe, comme tous les hommes de génie, réunit en lui d’étonnants contrastes ; on retrouve dans ses poésies beaucoup de traces du