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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/360

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

Bürger a fait une autre romance moins célèbre, mais aussi très-originale, intitulée le Féroce Chasseur. Suivi de ses valets et de sa meute nombreuse, il part pour la chasse un dimanche, au moment où les cloches du village annoncent le service divin. Un chevalier dont l’armure est blanche se présente à lui et le conjure de ne pas profaner le jour du Seigneur ; un autre chevalier, revêtu d’armes noires, lui fait honte de se soumettre à des préjugés qui ne conviennent qu’aux vieillards et aux enfants : le chasseur cède aux mauvaises inspirations ; il part, et arrive près du champ d’une pauvre veuve : elle se jette à ses pieds pour le supplier de ne pas dévaster la moisson en traversant les blés avec sa suite : le chevalier aux armes blanches supplie le chasseur d’écouter la pitié ; le chevalier noir se moque de ce puéril sentiment : le chasseur prend la férocité pour de l’énergie, et ses chevaux foulent aux pieds l’espoir du pauvre et de l’orphelin. Enfin le cerf poursuivi se réfugie dans la cabane d’un vieil ermite ; le chasseur veut y mettre le feu pour en faire sortir sa proie ; l’ermite embrasse ses genoux, il veut attendrir le furieux qui menace son humble demeure ; une dernière fois, le bon génie, sous la forme du chevalier