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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/364

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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

suis renfermée, que j’ignore l’arrivée d’un nouvel hôte ? —

Elle veut s’enfuir, le jeune homme la retient ; il apprend que c’est elle qui lui étoit destinée pour épouse. Leurs pères avoient juré de les unir, tout autre serment lui paroit nul. — Reste, mon enfant, lui dit-il, reste, et ne sois pas si pâle d’effroi ; partage avec moi les dons de Cérès et de Bacchus ; tu amènes l’amour, et bientôt nous éprouverons combien nos dieux sont favorables aux plaisirs. Le jeune homme conjure la jeune fille de se donner à lui.

« Je n’appartiens plus à la joie, lui répond-elle, le dernier pas est accompli ; la troupe brillante de nos dieux a disparu, et dans cette maison silencieuse on n’adore plus qu’un Être invisible dans le ciel, et qu’un Dieu mourant sur la croix. On ne sacrifie plus de taureaux, ni des brebis ; mais on m’a choisie pour victime humaine ; ma jeunesse et la nature furent immolées aux autels : éloigne-toi, jeune homme, éloigne-toi ; blanche comme la neige, et glacée comme elle, est la maîtresse infortunée que ton cœur s’est choisie. »

À l’heure de minuit, qu’on appelle l’heure des spectres, la jeune fille semble plus à l’aise, elle boit