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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/99

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VIENNE

telle régularité seroit impossible dans un pays où les plaisirs sont aussi variés qu’à Paris ; mais les Viennois, quoi qu’il arrive, pourroient difficilement s’en déshabituer. Il faut convenir que c’est un coup-d’œil charmant que toute cette nation citadine réunie sous l’ombrage d’arbres magnifiques et sur les gazons dont le Danube entretient la verdure. La bonne compagnie en voiture, le peuple à pied, se rassemblent là chaque soir. Dans ce sage pays l’on traite les plaisirs comme les devoirs, et l’on a de même l’avantage de ne s’en lasser jamais, quelque uniformes qu’ils soient. On porte dans la dissipation autant d’exactitude que dans les affaires et l’on perd son temps aussi méthodiquement qu’on l’emploie.

Si vous entrez dans une des redoutes où il y a des bals pour les bourgeois les jours de fêtes, vous verrez des hommes et des femmes exécuter gravement l’un vis-à-vis de l’autre les pas d’un menuet dont ils se sont imposé l’amusement ; la foule sépare souvent le couple dansant, et cependant il continue comme s’il dansoit pour l’acquit de sa conscience ; chacun des deux va tout seul à droite et à gauche, en avant, en arrière, sans s’embarrasser de l’autre qui figure aussi scrupuleusement de son côté : de temps en temps seulement