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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/159

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COMTE D’EGMONT

et la prudence silencieuse sont si connues dans l’histoire, relève encore la généreuse imprudence du comte d’Egmont, en le suppliant vainement de partir avec lui avant l’arrivée du duc d’Albe. Le prince d’Orange est un caractère noble et sage ; un dévouement héroïque mais inconsidéré peut seul résister à ses conseils. Le comte d’Egmont ne veut pas abandonner les habitants de Bruxelles ; il se confie à son sort, parce que ses victoires lui ont appris à compter sur les faveurs de la fortune, et que toujours il conserve dans les affaires publiques les qualités qui ont rendu sa vie militaire si brillante. Ces belles, et dangereuses qualités intéressent à sa destinée ; on ressent pour lui des craintes que son âme intrépide ne sauroit jamais éprouver ; tout l’ensemble de son caractère est peint avec beaucoup d’art par l’impression même qu’il produit sur les diverses personnes dont il est entouré. Il est aisé de tracer un portrait spirituel du héros d’une pièce ; il faut plus de talent pour le faire agir et parler conformément à ce portrait ; il en faut plus encore pour le faire connoitre par l’admiration qu’il inspire aux soldats, au peuple, aux grands seigneurs, à tous ceux enfin qui se trouvent en relation avec lui.