Aller au contenu

Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
FAUST

fait prendre un intérêt sérieux à quoi que ce soit au monde, et surtout quand il nous donne de la confiance en nos propres forces. C’est une chose singulière que la méchanceté suprême et la sagesse divine s’accordent en ceci ; qu’elles reconnoissent également l’une et l’autre le vide et la foiblesse de tout ce qui existe sur la terre : mais l’une ne proclame cette vérité que pour dégoûter du bien, et l’autre que pour élever au-dessus du mal.

S’il n’y avoit dans la pièce de Faust que de la plaisanterie piquante et philosophique, on pourroit trouver dans plusieurs écrits de Voltaire un genre d’esprit analogue ; mais on sent dans cette pièce une imagination d’une toute autre nature. Ce n’est pas seulement le monde moral tel qu’il est qu’on y voit anéanti, mais c’est l’enfer qui est mis à sa place. Il y a une puissance de sorcellerie, une poésie du mauvais principe, un enivrement du mal, un égarement de la pensée qui font frissonner, rire et pleurer tout à la fois. Il semble que, pour un moment, le gouvernement de la terre soit entre les mains du démon. Vous tremblez parce qu’il est impitoyable, vous riez parce qu’il humilie tous les amours-propres satisfaits, vous pleurez parce que la nature humaine, ainsi