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Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/132

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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

salut public avoient dans leur tête l’idée d’un gouvernement quelconque. Si l’on en excepte la conduite de la guerre, la direction des affaires n’étoit qu’un mélange de grossièreté et de férocité, dans lequel on ne peut découvrir aucun plan, hors celui de faire massacrer la moitié de la nation par l’autre. Car il étoit si facile d’être considéré par les jacobins comme faisant partie de l’aristocratie proscrite, que la moitié des habitans de la France encouroit le soupçon qui suffisoit pour conduire à la mort.

L’assassinat de la reine et de madame Élisabeth causa peut-être encore plus d’étonnement et d’horreur que l’attentat commis contre la personne du roi ; car on ne sauroit attribuer à ces forfaits épouvantables d’autre but que l’effroi même qu’ils inspiroient. La condamnation de MM. de Malesherbes, de Bailly, de Condorcet, de Lavoisier, décimoit la France de sa gloire ; quatre-vingts personnes étoient immolées chaque jour, comme si le massacre de la Saint-Barthélemi dût se renouveler goutte à goutte. Une grande difficulté s’offroit à ce gouvernement, si l’on peut l’appeler ainsi ; c’est qu’il falloit à la fois se servir de tous les moyens de la civilisation pour faire la guerre, et de toute la violence de l’état sauvage pour exciter