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Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/190

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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

tour du palais où se rassembloit le corps législatif, rouloient sur le pavé ; mais hors ce bruit, tout étoit silence. On n’apercevoit nulle part un rassemblement hostile, et l’on ne savoit contre qui tous ces moyens étoient dirigés. La liberté fut la seule puissance vaincue dans cette malheureuse lutte ; on eût dit qu’on la voyoit s’enfuir comme une ombre à l’approche du jour qui alloit éclairer sa perte.

On apprit le matin que le général Augereau avoit conduit ses bataillons dans le conseil des cinq-cents, et qu’il y avoit arrêté plusieurs des députés qui s’y trouvoient réunis en comité, et que présidoit alors le général Pichegru. On s’étonne du peu de respect que les soldats témoignèrent pour un général qui les avoit souvent conduits à la victoire ; mais on étoit parvenu à le désigner comme un contre-révolutionnaire, et ce nom exerce en France une sorte de puissance magique, quand l’opinion est en liberté. D’ailleurs, le général Pichegru n’avoit aucun moyen de faire effet sur l’imagination : c’étoit un homme fort honnête, mais sans physionomie, ni dans ses traits, ni dans ses paroles ; le souvenir de ses victoires ne tenoit pas sur lui, parce que rien ne les annonçoit dans sa façon d’être. On a souvent ré-