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Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/25

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CONSIDÉRATION

ce qui égare le plus les corps et les individus, c’est le triomphe que l’on peut momentanément remporter sur la justice ; ce triomphe finit toujours par renverser ceux qui l’obtiennent.

M. Necker, qui jugeoit la constitution de 1791 en homme d’état, publia son opinion sur ce sujet, sous la première assemblée, lorsque cette constitution inspiroit encore un grand enthousiasme. Son ouvrage intitulé : Du Pouvoir exécutif dans les grands états, est reconnu pour classique par les penseurs. Il contient des idées très-nouvelles sur la force nécessaire aux gouvernemens en général ; mais ces réflexions sont d’abord spécialement appliquées à l’ordre de choses que l’assemblée constituante venoit de proclamer. Dans ce livre, plus encore que dans le précédent, l’on pourroit prendre les prédictions pour une histoire, tant les événemens que les défauts des institutions devoient amener y sont détaillés avec précision et clarté ! M. Necker, en comparant la constitution angloise avec l’œuvre de l’assemblée constituante, finit par ces paroles remarquables : « Les François regretteront trop tard de n’avoir pas eu plus de respect pour l’expérience, et d’avoir méconnu sa noble origine, sous ses vêtemens usés et déchirés par le temps. »