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Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/329

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CONSIDÉRATIONS

deviendroient déserts ! Les agens des puissances absolues eux-mêmes, ne pouvant plus obtenir les subsides de ce pays sans crédit et sans patriotisme, regretteroient la liberté, qui, pendant si long-temps du moins, leur a prêté ses trésors.

Les malheurs de la révolution sont résultés de la résistance irréfléchie des privilégiés à ce que vouloient la raison et la force ; cette question est encore débattue après vingt-sept années. Les dangers de la lutte sont moins grands, parce que les partis sont plus affaiblis ; mais l’issue en seroit la même. M. Necker dédaignoit le machiavélisme dans la politique, la charlatanerie dans les finances, et l’arbitraire dans le gouvernement. Il pensoit que la suprême habileté consiste à mettre la société en harmonie avec les lois silencieuses, mais immuables, auxquelles la Divinité a soumis la nature humaine. On peut l’attaquer sur ce terrain, car il s’y placeroit encore s’il vivoit.

Il ne se targuoit point du genre de talens qu’il faut pour être un factieux ou un despote ; il avoit trop d’ordre dans l’esprit, et de paix dans l’âme, pour être propre à ces grandes irrégularités de la nature, qui dévorent le siècle et le pays dans lequel elles apparoissent. Mais, s’il fût