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Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/366

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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

opposés dans leurs intérêts, bien que d’accord dans leurs maximes, ont introduite parmi les chefs de l’armée, a nécessairement altéré ce qu’il y avoit de grand et de patriote dans les troupes françoises.

La force armée doit être, dit-on, essentiellement obéissante. Cela est vrai sur le champ de bataille, en présence de l’ennemi, et sous le rapport de la discipline militaire. Mais les François pouvoient-ils et devoient-ils ignorer qu’ils immoloient une nation en Espagne ? Pouvoient-ils et devoient-ils ignorer qu’ils ne défendoient pas leurs foyers à Moscou, et que l’Europe n’étoit en armes que parce que Bonaparte avoit su se servir successivement de chacun des pays qui la composent pour l’asservir tout entière ? On voudroit faire des militaires une sorte de corporation en dehors de la nation, et qui ne pût jamais s’unir avec elle. Ainsi les malheureux peuples auroient toujours deux ennemis, leurs propres troupes et celles des étrangers, puisque toutes les vertus des citoyens seroient interdites aux guerriers.

L’armée d’Angleterre est aussi soumise à la discipline que celle des états les plus absolus de l’Europe ; mais les officiers n’en font pas