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Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/281

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CONSIDÉRATIONS

gleterre ce talent est apprécié ; mais il n’est utile en rien à l’ambition de ceux qui le possèdent ; les hommes d’état et le peuple choisissent parmi les candidats du pouvoir, d’après de tout autres signes des facultés supérieures. La conséquence en est qu’on néglige ce qui ne sert pas, dans ce genre comme dans tous les autres. Le caractère national étant d’ailleurs très-enclin à la réserve et à la timidité, il faut un mobile puissant pour en triompher, et ce mobile ne se trouve que dans l’importance des discussions publiques.

On a de la peine à se rendre parfaitement compte de ce qu’on appelle en Angleterre la mauvaise honte (shyness), c’est-à-dire, cet embarras qui renferme au fond du cœur les expressions de la bienveillance naturelle ; car l’on rencontre souvent les manières les plus froides dans des personnes qui se montreroient les plus généreuses envers vous, si vous aviez besoin d’elles. Les Anglois sont mal à l’aise entre eux, au moins autant qu’avec les étrangers ; ils ne se parlent qu’après avoir été présentés l’un à l’autre : la familiarité ne s’établit que fort à la longue. On ne voit presque jamais en Angleterre les enfans, après leur mariage, demeurer dans la même maison que leurs pa-