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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/133

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CORINNE OU L’ITALIE.

que dix ans ; mais, comme en mourant elle avait témoigné un extrême désir que mon éducation fût terminée avant que j’allasse en Angleterre, mon père me laissa chez une tante de ma mère à Florence jusqu’à l’âge de quinze ans ; mes talens, mes goûts, mon caractère même, étaient formés, quand la mort de ma tante décida mon père à me rappeler près de lui. Il vivait dans une petite ville de Northumberland, qui ne peut, je crois, donner aucune idée de l’Angleterre ; mais c’est tout ce que j’en ai connu pendant les six années que j’y ai passées ; ma mère dès mon enfance ne m’avait entretenue que du malheur de ne plus vivre en Italie, et ma tante m’avait souvent répété que c’était la crainte de quitter son pays qui avait fait mourir ma mère de chagrin. Ma bonne tante se persuadait aussi qu’une catholique était damnée quand elle vivait dans un pays protestant ; et bien que je ne partageasse pas cette crainte, cependant l’idée d’aller en Angleterre me causait beaucoup d’effroi.

Je partis avec un sentiment de tristesse inexprimable. La femme qui était venue me chercher ne savait pas l’italien ; j’en disais bien encore quelques mots à la dérobée avec