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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/142

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CORINNE OU L’ITALIE.

dans notre château : je l’entendais siffler la nuit à travers les longs corridors de notre demeure, et le jour il favorisait merveilleusement notre silence quand nous étions réunies. Le temps était humide et froid ; je ne pouvais presque jamais sortir sans éprouver une sensation douloureuse : il y avait dans la nature quelque chose d’hostile qui me faisait regretter amèrement sa bienfaisance et sa douceur en Italie.

Nous rentrions l’hiver dans la ville, si c’est une ville toutefois qu’un lieu où il n’y a ni spectacle, ni édifices, ni musique, ni tableaux ; c’était un rassemblement de commérages, une collection d’ennuis divers et pareils.

La naissance, le mariage et la mort, composaient toute l’histoire de notre société, et ces trois événemens différaient là moins qu’ailleurs. Représentez-vous ce que c’était pour une Italienne comme moi, que d’être assise autour d’une table à thé plusieurs heures par jour après dîner, avec la société de ma belle-mère. Elle était composée de sept femmes les plus graves de la province ; deux d’entre elles étaient des demoiselles de cinquante ans, timides comme à quinze, mais beaucoup moins gaies qu’à cet âge. Une femme disait à l’autre : Ma chère, croyez-vous que l’eau soit assez bouillante pour