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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/165

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CORINNE OU L’ITALIE.

ses habitans, la contrainte de leurs usages, elle sentait tout, sans pouvoir s’en rendre raison, et s’écriait sans cesse : — Oh ! mon pays, ne vous reverrai-je donc jamais ! — Et puis elle ajoutait cependant qu’elle ne voulait pas me quitter, et, avec une amertume qui me déchirait le cœur, elle pleurait de ne pouvoir concilier avec son attachement pour moi son beau ciel d’Italie, et le plaisir d’entendre sa langue maternelle.

Rien ne fit plus d’effet sur mon esprit que ce reflet de mes propres impressions dans une personne toute commune, mais qui avait conservé le caractère et les goûts italiens dans leur vivacité naturelle, et je lui promis qu’elle reverrait l’Italie. — Avec vous, répondit-elle. — Je gardai le silence. Alors elle s’arracha les cheveux, et jura qu’elle ne s’éloignerait jamais de moi ; mais elle paraissait prête à mourir à mes yeux en prononçant ces paroles. Enfin, il m’échappa de lui dire que j’y retournerais aussi, et ce mot, qui n’avait eu pour but que de la calmer, devint plus solennel, par la joie inexprimable qu’il lui causa et la confiance qu’elle y prit. Depuis ce jour, sans en rien dire, elle se lia avec quelques négocians de la ville, et m’annonçait exactement quand un vaisseau partait du port voisin pour Gênes ou Livourne ; je l’écoutais et je ne répon-