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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/171

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CORINNE OU L’ITALIE.

je n’en éprouvais pour écarter de moi tous mes linceuls, et reprendre possession de mon imagination, de mon génie, de la nature ! Au moment de cette exaltation causée par la musique, j’étais loin encore de prendre aucun parti, car mes sentimens étaient trop confus pour en tirer aucune idée fixe, lorsque ma belle-mère entra, et me pria de faire cesser ces chants, parce qu’il était scandaleux d’entendre de la musique le dimanche. Je voulus insister : les Italiens partaient le lendemain ; il y avait six ans que je n’avais joui d’un semblable plaisir ; ma belle-mère ne m’écouta pas, et me disant qu’il fallait, avant tout, respecter les convenances du pays où l’on vivait, elle s’approcha de la fenêtre et commanda à ses gens d’éloigner mes pauvres compatriotes. Ils partirent, et me répétaient de loin en loin, en chantant, un adieu qui me perçait le cœur.

La mesure de mes impressions était comblée, le vaisseau devait s’éloigner le lendemain ; Thérésine, à tout hasard et sans m’en avertir, avait tout préparé pour mon départ. Lucile était depuis huit jours chez une parente de sa mère. Les cendres de mon père ne reposaient pas dans la maison de campagne que nous habitions : il avait ordonné que son tombeau fût élevé dans