Aller au contenu

Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
CORINNE OU L’ITALIE.

s’étonna qu’elle revînt sans être la femme de lord Nelvil ; aucun, du moins, ne lui demanda les motifs qui pouvaient avoir empêché cette union ; le plaisir de la revoir était si grand, qu’il effaçait toute autre idée. Corinne s’efforçait de se montrer la même, mais elle ne pouvait y réussir ; elle allait contempler les chefs-d’œuvre de l’art, qui lui causaient jadis un plaisir si vif, et il y avait de la douleur au fond de tout ce qu’elle éprouvait. Elle se promenait, tantôt à la Villa Borghèse, tantôt près du tombeau de Cécilia Metella, et l’aspect de ces lieux qu’elle aimait tant autrefois lui faisait mal ; elle ne goûtait plus cette douce rêverie, qui, en faisant sentir l’instabilité de toutes les jouissances, leur donne un caractère encore plus touchant. Une pensée fixe et douloureuse l’occupait ; la nature, qui ne dit rien que de vague, ne fait aucun bien, quand une inquiétude positive nous domine.

Enfin, dans les rapports de Corinne et d’Oswald il y avait une contrainte tout-à-fait pénible : ce n’était pas encore le malheur, car dans les profondes émotions qu’il cause, il soulage quelquefois le cœur oppressé, et fait sortir de l’orage un éclair qui peut tout révéler ; c’était une gêne réciproque, c’était de vaines tentatives pour échapper aux circonstances qui les