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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/209

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CORINNE OU L’ITALIE.

tation de Corinne s’était donc calmée de nouveau, et de nouveau son imprévoyance était venue à son secours.

Cependant, à la veille de quitter Rome, elle éprouvait un grand sentiment de mélancolie. Cette fois elle craignait et désirait que ce fût pour toujours. La nuit qui précédait le jour fixé pour son départ, comme elle ne pouvait dormir, elle entendit passer sous ses fenêtres une troupe de Romains et de Romaines, qui se promenaient au clair de la lune en chantant. Elle ne put résister au désir de les suivre, et de parcourir ainsi, encore une fois, sa ville chérie, elle s’habilla, se fit suivre de loin par sa voiture et ses gens et se couvrant d’un voile, pour n’être pas reconnue, rejoignit à quelques pas de distance cette troupe qui s’était arrêtée sur le pont Saint-Ange, en face du mausolée d’Adrien. On eût dit qu’en cet endroit la musique exprimait la vanité des splendeurs de ce monde. On croyait voir dans les airs la grande ombre d’Adrien, étonnée de ne plus trouver sur la terre d’autres traces de sa puissance qu’un tombeau. La troupe continua sa marche, toujours en chantant, pendant le silence de la nuit, à cette heure où les heureux dorment. Cette musique si douce et si pure sem-