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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/23

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CORINNE OU L’ITALIE.

yeux. Oswald parut hésiter un moment ; puis tout à coup lui prenant la main, il lui dit en anglais : — Venez, ma chère. — Et elle le suivit.

Le bruit des vagues et le silence des matelots qui, dans une discipline admirable, ne faisaient pas un mouvement, ne disaient pas une parole inutile, et conduisaient rapidement la barque sur cette mer qu’ils avaient tant de fois parcourue, inspiraient la rêverie. D’ailleurs Corinne n’osait pas faire une question à lord Nelvil sur ce qui venait de se passer. Elle cherchait à deviner son projet, ne croyant pas (ce qui est toujours cependant le plus probable) qu’il n’en eût point, et qu’il se laissât aller à chaque circonstance nouvelle. Un moment elle imagina qu’il la conduisait au service divin pour la prendre là pour épouse ; et cette idée lui causa, dans ce moment, plus d’effroi que de bonheur : il lui semblait qu’elle quittait l’Italie, et retournait en Angleterre, où elle avait beaucoup souffert. La sévérité des mœurs et des habitudes de ce pays revenait à sa pensée, et l’amour même ne pouvait triompher entièrement du trouble de ses souvenirs. Combien, cependant, dans d’autres circonstances, elle s’étonnera de ces pensées, quelque passagères qu’elles fussent ! combien elle les abjurera !