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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/315

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CORINNE OU L’ITALIE.

tenant rien que d’aride au dehors, rien que de sombre au fond du cœur, elle n’avait d’autre événement, d’autre-variété dans sa vie que les lettres d’Oswald, et l’irrégularité de la poste pendant l’hiver excitait chaque jour en elle le tourment de l’attente, et souvent cette attente était trompée. Elle se promenait tous les matins sur le bord du canal, dont les eaux sont assoupies sous le poids des larges feuilles appelées les lis des eaux. Elle attendait la gondole noire qui apportait les lettres de Venise ; elle était parvenue à la distinguer à une très-grande distance, et le cœur lui battait avec une affreuse violence dès qu’elle l’apercevait ; son messager descendait de la gondole, quelquefois il disait : Madame, il n’y a point de lettres, et continuait ensuite paisiblement le reste de ses affaires, comme si rien n’était si simple que de n’avoir point de lettres. Une autrefois il lui disait : Oui Madame, il y en a. Elle les parcourait toutes d’une main tremblante, et l’écriture d’Oswald ne s’offrait point à ses regards ; alors le reste du jour était affreux ; la nuit se passait sans sommeil, et le lendemain elle éprouvait la même anxiété qui absorbait toute sa journée.

Enfin elle accusa lord Nelvil de ce qu’elle souffrait : il lui sembla qu’il aurait pu lui écrire