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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/32

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CORINNE OU L’ITALIE.

à l’air ne se seraient ainsi maintenus, et ce souvenir enfoui s’est retrouvé tout entier. Les peintures, les bronzes étaient encore dans leur beauté première, et tout ce qui peut servir aux usages domestiques est conservé d’une manière effrayante. Les amphores sont encore préparées pour le festin du jour suivant ; la farine qui allait être pétrie est encore là : les restes d’une femme sont encore ornés des parures qu’elle portait dans le jour de fête que le volcan a troublé, et ses bras desséchés ne remplissent plus le bracelet de pierreries qui les entoure encore. On ne peut voir nulle part une image aussi frappante de l’interruption subite de la vie. Le sillon des roues est visiblement marqué sur les pavés dans les rues, et les pierres qui bordent les puits portent la trace des cordes qui les ont creusées peu à peu. On voit encore sur les murs d’un corps-de-garde les caractères mal formés, les figures grossièrement esquissées que les soldats traçaient pour passer le temps, tandis que ce temps avançait pour les engloutir.

Quand on se place au milieu du carrefour des rues, d’où l’on voit de tous les côtés la ville qui subsiste encore presque en entier, il semble qu’on attende quelqu’un, que le maître soit prêt à venir ; et l’apparence même de vie qu’offre ce sé-