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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/333

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CORINNE OU L’ITALIE.

hommes, alors qu’ils sont vraiment malheureux.

Dans l’intervalle du quatrième au cinquième acte, Corinne remarqua que tous les regards se tournaient vers une loge, et dans cette loge elle vit lady Edgermond et sa fille ; car elle ne douta pas que ce ne fut Lucile, bien que depuis sept ans elle fût singulièrement embellie. La mort d’un parent très-riche de lord Edgermond avait obligé lady Edgermond à venir à Londres pour y régler les affaires de la succession. Lucile s’était plus parée qu’à l’ordinaire en venant au spectacle ; et depuis long-temps, même en Angleterre où les femmes sont si belles, il n’avait paru une personne aussi remarquable. Corinne fut douloureusement surprise en la voyant : il lui parut impossible qu’Oswald pût résister à la séduction d’une telle figure. Elle se compara dans sa pensée avec elle, et se trouva tellement inférieure, elle s’exagéra tellement, s’il était possible de se l’exagérer, le charme de cette jeunesse, de cette blancheur, de ces cheveux blonds, de cette innocente image du printemps de la vie, qu’elle se sentit presque humiliée de lutter par le talent, par l’esprit, par les dons acquis enfin, ou du moins perfectionnés, avec ces grâces prodiguées par la nature elle-même. Tout à coup elle aperçut, dans la loge oppo-