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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/347

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CORINNE OU L’ITALIE.

tendre retracèrent à Corinne les dangers qu’Oswald allait courir. Elle le regarda longtemps sans qu’il pût l’apercevoir, et se disait, les yeux pleins de larmes : — Qu’il vive, quand ce ne serait pas pour moi. Ô mon Dieu ! c’est lui qu’il faut conserver. — Dans ce moment, la voiture de lady Edgermond arriva ; lord Nelvil la salua respectueusement, en baissant devant elle la pointe de son épée. Cette voiture passa et repassa plusieurs fois. Tous ceux qui voyaient Lucile l’admiraient ; Oswald la considérait avec des regards qui perçaient le cœur de Corinne. L’infortunée les connaissait ces regards : ils avaient été tournés sur elle.

Les chevaux que lord Nelvil avait prêtés à Lucile parcouraient avec la plus brillante vitesse les allées de Hydepark, tandis que la voiture de Corinne s’avançait lentement, presque comme un convoi funèbre, derrière les coursiers rapides et leur bruit tumultueux. — Ah ! ce n’était pas ainsi, pensait Corinne, non, ce n’était pas ainsi que je me rendais au Capitole la première fois que je l’ai rencontré : il m’a précipitée du char de triomphe dans L’abîme des douleurs. Je l’aime, et toutes les joies de la vie ont disparu. Je l’aime, et tous les dons de la nature sont flétris. Pardonnez-lui, mon Dieu !